Publié le :
Le double tremblement de terre qui a frappé conjointement la Turquie et la Syrie intervient dans un contexte économique déjà très dégradé dans les deux pays.
C’est dans le nord de la Syrie, toujours en guerre, que la situation économique est la plus désespérée. Dans cette région morcelée, où sont concentrés les opposants au régime de Bachar el-Assad, des millions de gens déplacés vivaient déjà dans des conditions extrêmement précaires. La survie passait par une aide internationale de plus en plus chiche faute de financement suffisant. Où tout manquait pour assurer l’essentiel, où tout manque encore plus aujourd’hui pour venir en aide aux rescapés. Des équipements sanitaires pour soigner les blessés, puisqu’ils ont été détruits par les bombardements, de l’eau potable et du carburant. La Syrie était déjà en proie à la pire crise énergétique de la décennie avec la baisse des livraisons de l’Iran. La situation s’est subitement détériorée. La principale raffinerie située à l’ouest a été endommagée par les secousses, son activité a été momentanément suspendue. Sur le marché noir, les prix de l’essence ont triplé après le séisme.
Du côté de la Turquie, le séisme va aggraver la crise économique entretenue par une inflation record
La livre turque comme la bourse ont plongé après le double séisme. Avec la destruction d’une partie de l’économie et donc des moyens de production et des demandes accrues de produits de première nécessité, une catastrophe de cette ampleur, qui affecte des dizaines de millions de personnes, tend à faire grimper les prix. C’est de l’huile sur le feu dans un pays où l’inflation a grimpé jusqu’à 84% l’an dernier. Elle demeure à un niveau anormalement élevé, de l’ordre de 60% à cause de la politique de la Banque centrale. Sous l’influence directe d’Erdogan, elle refuse de relever fortement les taux comme le font ses pairs dans une situation équivalente. L’État va aussi fortement augmenter ses dépenses pour venir en aide aux populations. Cette nouvelle contrainte budgétaire, ajoutée à tous les cadeaux faits par Erdogan en campagne pour sa réélection, va contribuer à affaiblir un peu plus les finances publiques.
Le président au pouvoir depuis vingt ans espérait une embellie de l’économie pour faciliter sa réélection
C’est au contraire une nette détérioration qui se profile avant le scrutin prévu en mai. Une fois l’urgence passée, sauver des vies, c’est une question d’heures, il faudra reloger les rescapés. Et reconstruire la dizaine de villes affectées. Les dégâts sont colossaux. Les pertes pourraient s’élever jusqu’à un milliard de dollars, selon le service géologique américain. Erdogan devra aussi rendre des comptes. Malgré le précédent séisme meurtrier qu’a connu la Turquie, en 1999, juste avant son arrivée au pouvoir, les normes de construction antisismiques sont trop souvent ignorées en Turquie. C’est pourquoi autant de bâtiments se sont effondrés comme des châteaux de cartes.
L’aide internationale commence à affluer, surtout vers la Turquie
De Pékin à Washington en passant par l’Europe, Russie et Ukraine compris, l’élan est mondial. À noter les interventions rapides et unanimes des voisins arabes. Les Émirats arabes unis ont promis 100 millions de dollars pour les deux pays. Des avions sont déjà affrétés. L’Arabie saoudite est toujours en froid avec Bachar el-Assad mais le prince a annoncé mardi l’établissement d’un pont aérien vers les deux pays et une collecte de dons privés. L’Irak envoie des cargos de produits pétroliers en Syrie pour soulager la crise énergétique. Mais à cause des sanctions prises contre le régime de Damas, beaucoup de pays ont du mal à envisager pour le moment une aide à la reconstruction en faveur de Bachar el-Assad.