
Publié le : 10/09/2022 – 00:39
Sous son pseudonyme, QueenArrow a réussi à se faire un nom dans un univers majoritairement masculin. Sylvia Gathoni, de son vrai nom, est la première gameuse au Kenya à avoir été signée par une grande entreprise de e-sports. Elle a rejoint l’équipe du club américain XiT en 2018, puis celle d’UYU, un autre organisme américain spécialisé dans l’e-sport. Surtout, la joueuse de 24 ans a fait son apparition dans les pages de l’édition Afrique du magazine Forbes cette année, citée parmi les 30 novateurs de moins de 30 ans portant le changement sur le continent. Portrait.
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De notre correspondante à Nairobi,
Son appartement de Ngong, à une vingtaine de kilomètres de Nairobi, est meublé avec minimalisme. Dans le salon, trône un bureau avec ordinateur, écran et console. C’est ici que QueenArrow s’entraîne.
Cette gameuse professionnelle s’est spécialisée dans Tekken 7, un jeu vidéo de combat. « Une chose que j’ai apprise au fil des entraînements, c’est qu’il faut y aller avec un objectif en tête », explique-t-elle. « Là par exemple, j’ai choisi de m’entraîner à répliquer aux attaques. Ça m’explique comment répondre à ce geste précis. Si mon adversaire le fait pendant un combat, je sais que je dois riposter avec un coup de pied. »
Son emploi du temps est rythmé par les tournois professionnels et les conférences où elle raconte son parcours. Dans un univers très masculin, la jeune Kényane se démarque, même si elle n’aime pas le mettre en avant. « Je préfère que les gens se concentrent plutôt sur mon travail, les choses que j’ai accomplies malgré les défis auxquels j’ai été confronté en tant que femme, noire, africaine. J’ai gagné des tournois, j’ai fait des choses assez géniales, je préfère que l’on retienne ça », souligne Sylvia Gathoni.
Travailleuse acharnée
Cette passionnée de jeux vidéo a commencé à manier les manettes à trois ans avec son frère. Aujourd’hui professionnelle, QueenArrow est consciente des difficultés auxquelles font face les gamers au Kenya.
Les équipements coûtent très cher. Une PlayStation 5 par exemple va s’acheter autour de 500 dollars aux États-Unis, au Kenya il faut ajouter les frais de douanes, de livraison, le profit pour le revendeur… Le prix de la console peut dépasser les 1 000 dollars. Ce n’est pas du tout accessible pour la majorité des jeunes. Il y a aussi le peu d’accès à Internet qui nous freine dans notre compétitivité à l’internationale.
Cette travailleuse acharnée suit aussi des études pour devenir avocate. Elle se bat déjà pour une meilleure régulation du secteur, en plein essor au Kenya, mais qui pâtit d’un manque de cadre officiel. « Il y a cette idée que le sport électronique est comme les jeux d’argent. La loi ne fait pas de distinction entre les deux », dit QueenArrow. « Or, même si je crois que l’industrie devrait être autonome et s’auto-réguler, nous avons besoin d’être reconnus par le gouvernement. J’aimerais que nous puissions bénéficier du même soutien qui est accordé aux coureurs professionnels », ajoute-t-elle.
Pleine d’ambition, Sylvia Gathoni rêve grand. Notamment, voir un jour l’e-sport faire partie des Jeux olympiques, et pouvoir y représenter le Kenya.