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Jour après jour, heure après heure, le bilan ne cesse de s’alourdir en Turquie et en Syrie. Le dernier bilan provisoire jeudi matin 9 février fait état de plus de 16 000 personnes, après les deux tremblements de terre et les répliques qui ont secoué la région en début de semaine. Nos envoyés spéciaux étaient ce mercredi à Osmaniye et Adana.
Avec nos envoyés spéciaux en Turquie, Guilhem Delteil, Jad El Khoury et Emre Avci
La ville d’Osmaniye, dans le sud de la Turquie, a été fortement endommagée par le séisme : plus de 500 personnes y ont perdu la vie. Et près de trois jours après le drame, autorités et ONG tentent toujours de répondre à l’urgence.
Sur ce site où nous nous sommes rendus, quatre équipes de dix secouristes sont toujours à l’œuvre. Un immeuble de cinq étages s’est effondré. Les recherches ont commencé dès lundi, et malgré la pluie qui tombait ce jour-là, les secouristes ont fouillé sans relâche pendant 36 heures.
Désormais, les engins s’arrêtent lorsque la nuit tombe, mais les opérations se poursuivent. Plusieurs personnes sont toujours portées disparues.
Si le soleil est revenu, les températures restent basses à Osmaniye. Et lors de leur pause, les secouristes tentent de se réchauffer autour d’un petit feu allumé au milieu des débris. Autour d’eux, des familles de disparus qui attendent dans l’angoisse.
De l’autre côté de la rue, des voisins guettent également l’évolution des travaux de recherche avec émotion. Un peu plus loin, un camp a été dressé pour accueillir celles et ceux qui ont perdu leurs logements, parfois détruits, souvent tellement endommagés par les secousses qu’ils sont devenus dangereux.
Environ 10 000 personnes y ont trouvé refuge sous des tentes dressées par l’agence en charge de la gestion des catastrophes.
Des braseros improvisés devant les tentes
À une centaine de kilomètres de là, retour pour nous dans la région d’Adana, où les opérations de secours se poursuivent également. L’autre défi pour les autorités, c’est donc la prise en charge des rescapés. Dans toutes les villes sinistrées, des tentes ont été dressées dans des parcs ou sur des parkings pour accueillir ces derniers.
Des maisons, des immeubles ont été détruits, et d’autres édifices sont désormais trop fragilisés pour que leurs habitants puissent y vivre. Certains rescapés ont interdiction de retourner chez eux, mais parfois, c’est la peur que leur logement s’écroule qui les retient.
À l’heure actuelle, rien que dans la région d’Adana, des dizaines de milliers de personnes se retrouvent ainsi sans domicile. L’agence en charge de la gestion des sinistres a donc ouvert ces camps, dans les petites villes parfois isolées, mais aussi jusque dans le centre de la capitale provinciale. Et le nombre de personnes à prendre en charge est tel que seuls quelques centimètres séparent les tentes les unes des autres. À peine de quoi circuler. Et chaque tente abrite des familles élargies.
Le Croissant-Rouge organise des distributions de repas chauds. Des vêtements sont aussi distribués, les rescapés n’ayant souvent rien pu emporter avec eux. Mais malgré tout, le froid est saisissant. Et pour se réchauffer, tous ces survivants ne peuvent qu’installer des braseros improvisés devant leur tente.
« Tous mes souvenirs d’enfance sont perdus »
À chaque heure qui passe, l’espoir de retrouver des survivants s’amenuise. Les secouristes continuent de fouiller les décombres sous le regard de plusieurs centaines de personnes. Tout près d’un immeuble effondré : des rescapés, des proches des personnes disparues, des voisins, mais aussi des bénévoles venus avec l’aide qu’ils pouvaient apporter.
Sur une table en plastique, une grande marmite de soupe est disposée. C’est une institutrice qui l’a préparée. « J’habite loin d’ici, mais depuis deux jours, je prépare ces repas à la maison et je viens les distribuer ici pour venir en aide aux personnes sinistrées », confie-t-elle.
Soudain, des cris et des sifflets viennent de la zone où travaillent les secouristes. L’espoir peut-être d’avoir retrouvé un survivant. Le silence s’installe aussitôt, chacun retient son souffle. C’est cette fois-ci un faux espoir, les recherches reprennent.
Dans une rue voisine, un immeuble est encore debout, totalement éventré sur l’une de ses façades. Trop instable, son accès est, là encore, interdit à ses habitants. Qu’à cela ne tienne, quelques-uns passent tout de même sous les bandes déployées par la police pour tenter de récupérer quelques biens.
Deux policiers arrivent alors à moto. Les habitants et le responsable de l’immeuble sont rappelés à l’ordre. « La police a dit de rester éloigné du bâtiment et m’a demandé de m’assurer que les gens n’y entraient pas », explique ce dernier.
Les autorités ont annoncé la destruction prochaine de cet immeuble de onze étages. Pour les habitants, cela signifie perdre toute une partie de leur vie. « Tout ce que je veux, c’est récupérer mes albums photos. Tous mes souvenirs d’enfance sont perdus. C’est ça le plus important : nos souvenirs », soupire l’un d’eux.
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