Publié le :
En Turquie et en Syrie, le séisme a tué au moins 16 000 personnes, d’après le dernier bilan humain. Deux jours après les séismes, la recherche des survivants s’est poursuivie ce mercredi 8 février. Antioche demeure l’une des villes les plus touchées par le séisme. Notre envoyée spéciale sur place depuis deux jours fait le point.
Avec notre envoyée spéciale à Antioche, Manon Chapelain
À Antioche, dans la région du Hatay, l’une des plus touchées par le séisme, des médecins arrivent de tout le pays pour aider. Mais sur place, les hôpitaux encore debout et le matériel manquent.
Devant un immeuble écroulé dans l’est de la ville, une femme fait du stop. Elle cherche une voiture pour se rendre à l’hôpital, précisément. Sa fille a disparu depuis trois jours, elle espère l’y trouver. « Je n’ai aucune idée d’où se trouve ma famille, je n’ai pas de nouvelles, car il n’y a plus de réseau et les téléphones ne marchent pas », confie-t-elle.
À l’intérieur, l’hôpital est plein à craquer. Atiçé retrouve sa fille dans un brancard, blessée mais saine et sauve. Dans le couloir, des dizaines de personnes attendent d’être prises en charge. Ibrahim patiente depuis trois heures. « Je suis arrivé juste après avoir été sorti des décombres, dit-il. J’attends qu’on soigne ma jambe, mais il y a des cas beaucoup plus urgents que moi, donc on ne me prend pas en charge. J’attends, mais ça fait très mal. »
Juste à côté, un homme nous montre une vidéo de sa mère se faire sortir des décombres. Elle dit être sur le point de s’évanouir et doit, elle aussi, attendre qu’un docteur soit disponible. Des médecins sont venus de tout le pays pour aider, mais l’équipe est clairement en sous-effectif et manque de matériel.
Ayse, l’une de ces médecins, est arrivée d’Erzurum. « C’est vraiment difficile car on n’a pas un seul médicament, pas un seul équipement, on essaye juste d’aider les gens. » Très vite, elle coupe court à l’interview : « Regardez autour de vous, je n’ai pas le temps », soupire-t-elle.
Le silence règne actuellement dans certains quartiers
Ce qui nous a marqué ce mercredi, hormis cette scène à l’hôpital ? La résignation des habitants. La veille, nous les avons vus courir partout à la recherche de secours, ou bien d’une solution pour se rendre utiles. Mais ce jour, on les sentait épuisés, voire anéantis. Les regards étaient défaits.
Des rescapés continuent d’être sortis des décombres, comme cette mère et sa fille qui ont été retrouvées vivantes après 50 heures sous leur immeuble. Hélas, cela relève plutôt de l’exception désormais ; par rapport à mardi, la plupart des habitants actuellement retrouvés sont morts.
Nous avons passé une partie de la journée dans l’une des morgues de la ville, qui déborde de corps. Ceux qui arrivent en continu sont à présent déposés dehors, à même le sol dans des sacs noirs, ou bien enroulés dans des couvertures.
Des familles, toute la journée de mardi en quête de leurs proches, pendant que des officiers de la Diyanet, l’agence religieuse nationale turque, enchaînaient les prières. Ce mercredi soir, le plus marquant, c’était le silence qui règne actuellement dans certains quartiers.
Les habitants ne cherchent plus les corps, ils cherchent surtout à partir, quitter cette ville fantôme dévastée, toujours sans eau, sans électricité et sans réseau. Mardi, les routes à l’intérieur de la ville étaient bloquées par la circulation remplie de voitures venues déposer des vivres et des volontaires ; maintenant, ce sont les routes pour en sortir qui sont pleines.
Un étudiant qui faisait du stop nous a expliqué que ses amis étaient déjà en route vers des villes aux quatre coins du pays, comme Adana, Ankara, voire même Istanbul ou Izmir.
►À relire : Séisme en Turquie et en Syrie : à Antioche, la colère et l’abattement