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En réaction au méga plan américain de soutien à la transition énergétique, l’Europe a du mal à définir une parade commune. Ce soir, le président Macron est aux Pays-Bas dans l’espoir de rapprocher les positions françaises avec celles de son homologue néerlandais.
Une fois de plus, les Européens sont d’accord sur le diagnostic, mais ils se divisent sur la riposte à trouver. Une fois encore, Emmanuel Macron et son hôte, Mark Rutte, incarnent deux lignes opposées. Le chef de l’État français pense qu’il faut en découdre avec les États-Unis pour obtenir des dérogations et en même temps promouvoir en Europe un plan proposant des aides réservées exclusivement aux entreprises européennes de l’industrie verte, sous forme de prêts ou de subventions. Tout comme les autres dirigeants des 27 États membres, le Premier ministre néerlandais a bien conscience que l’industrie européenne risque d’être balayée par les 369 milliards de dollars d’argent public que Washington a promis dans le cadre de son plan Inflation Reduction Act. Mais pas question pour le porte-parole du groupe des pays dit frugaux d’injecter un euro supplémentaire d’argent public dans cette politique.
En quoi le plan américain va-t-il nuire aux Européens ?
Les aides iront à l’America first, à ce qui est produit sur le sol américain. Washington ne veut pas que l’argent de ses contribuables profitent aux Chinois en particulier, et à tous les concurrents en général, dont les Européens qui ont une longueur d’avance dans la transition verte. Un protectionnisme totalement assumé par la Maison Blanche. Les industriels européens perdront des parts du marché américain, car leurs produits exclus des subventions seront plus chers. À moins qu’ils ne privilégient les investissements aux États-Unis pour profiter des fameuses subventions, ce qui sera bon pour les entreprises et leurs actionnaires, mais mauvais pour le tissu industriel, l’innovation et l’emploi européen. L’automobile, la filière naissante de l’hydrogène vert ou les champions européens de l’éolien sont sur le qui-vive et s’interrogent sur le meilleur choix. L’Allemand BMW et l’Italien Enel n’ont pas attendu la réaction de Bruxelles, ils ont décidé de construire des nouvelles usines aux États-Unis.
C’est la perspective des subventions qui les attirent ?
Pas seulement. Car il existe des fonds importants en Europe qui n’ont pas encore été débloqués, notamment dans le cadre du fonds de relance post covid. C’est d’ailleurs le principal argument de Mark Rutte, hostile au fonds souverain proposé par la présidente de la Commission européenne. Plus que l’argent, ce qui fait la différence, c’est surtout l’accès aux aides. Il est hyper simplifié aux États-Unis, tandis que dans l’Union européenne, les entreprises sont confrontées à des processus administratifs complexes et chronophages pour obtenir des soutiens publics ou tout simplement pour mettre sur pied des nouvelles usines. La Commission prévoit d’accélérer les procédures dans le projet qui sera présenté dans une dizaine de jours au prochain sommet des 27.
Au risque de provoquer une compétition interne aux effets délétères sur les petits pays.
Car les États membres les plus riches seront plus généreux avec leurs champions nationaux, écrasant de fait les concurrents européens. Il y a donc encore pas mal d’ajustements à trouver, mais les Européens s’accordent aujourd’hui sur l’essentiel : l’urgence de se doter d’une politique industrielle en matière de transition énergétique. Cela passera par des aides plus conséquentes, plus accessibles. Mais pas seulement. Pour parvenir au plus vite à ses objectifs de réduction des émissions de carbone, l’Europe doit aussi rendre l’environnement des entreprises plus prévisible et plus rassurant. En réformant par exemple le marché de l’électricité fragilisé par l’envolée du gaz. Encore un sujet qui divise entre les interventionnistes d’un côté et ceux qui préfèrent laisser faire le marché.