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L’invité Afrique ce matin est le Cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, alors que le pays qui compte le plus grand nombre de catholiques d’Afrique s’apprête à recevoir le pape François ce mardi jusqu’à vendredi. Il s’agit de la 3e visite d’un pape dans le pays après celles de Jean-Paul II en 1980 et 1985. Trente huit ans après, les attentes sont immenses, alors le conflit s’envenime dans l’Est du pays, au Nord et au Sud Kivu et en Ituri, que les Congolais font face à un quotidien difficile.
RFI : Quelle est l’importance pour vous de cette visite ?
Cardinal Fridolin Ambongo : J’attends cette visite du pape comme un moment de grand honneur que le pape fait à moi et à l’ensemble du peuple congolais.
RFI : Quel est le contexte en République démocratique du Congo de cette visite du pape François ? C’est un contexte de tensions ?
Cardinal Fridolin Ambongo : C’est d’abord un contexte de crises et de misères pour le peuple. Le peuple congolais depuis déjà quelques décennies souffre. En plus, il y a la crise que nous vivons à l’est du pays : l’insécurité, les groupes armés, et pas seulement à l’est mais ici aussi aux portes de Kinshasa, la situation à Kwamouth et dans nos grandes villes, comme ici à Kinshasa. Il y a tout le problème des Kulunas, les enfants de la rue qu’on a abandonnés, qui sont devenus des adultes et qui fonctionnent vraiment comme un danger public. Donc le peuple est confronté à cette réalité et c’est dans ce contexte que le pape vient nous visiter. Pour le peuple congolais, c’est une visite vraiment de réconfort.
RFI : Le pape devait se rendre à Goma dans sa visite initiale en juillet qu’il n’a pas pu effectuer. Il n’ira pas à Goma, c’est une grande déception. Le pape va quand même rencontrer les victimes de l’Est qui vont venir jusqu’à Kinshasa mais cela aurait été un message fort, effectivement, qu’il se rende sur place ?
Cardinal Fridolin Ambongo : Goma, pour nous, symbolise la complexité des situations que notre peuple vit à l’Est, que ce soit la misère sociale, que ce soient les conflits armés, que ce soient les catastrophes naturelles, c’est vraiment représenté, symbolisé par la ville de Goma. Il y a un groupe de plus de soixante personnes qui viendront ici et il va les recevoir, il va parler avec eux et il va les bénir.
RFI : Éminence, vous avez dit que la nation congolaise était en danger ?
Cardinal Fridolin Ambongo : Le pays est en danger. L’Église catholique a perçu ça depuis très longtemps et ne cesse de le dénoncer. Le pays est en danger d’abord parce que le peuple, le peuple congolais – c’est un peuple – survit, il ne vit pas mais il survit. Il y a un sentiment un peu général comme si le pays, le peuple, est abandonné. Ça c’est du côté du peuple.
RFI : Et vous dites qu’il faut se mettre autour d’une table pour discuter maintenant et donc appeler la communauté internationale à avoir les yeux focalisés aussi sur la République démocratique du Congo et sur ce qui se passe à l’Est ?
Cardinal Fridolin Ambongo : Nous avons déjà au Congo depuis trente ans la présence de la communauté internationale représentée au début par la MONUC et ensuite la MONUSCO. Mais malheureusement, nous avons l’impression que cette présence ne change pas grand-chose. Dernièrement, nous avons publié, les évêques du Congo, un message, et notre message voulait focaliser l’attention sur ce que le peuple congolais perçoit comme étant une duplicité de la communauté internationale. Nous avons l’impression que la communauté internationale a un agenda. Même si personne ne le dit ouvertement, on a l’impression qu’il y a un agenda qui est en train de se mettre en place, et c’est un agenda en défaveur du Congo. Nous, dans notre rôle de pasteur, de prophète, nous ne cessons de dénoncer cette forme d’hypocrisie. Parce que nous n’arrivons pas à comprendre que ce qui se passe à l’Est de notre pays, toute la communauté internationale, les Nations unies, se déclarent impuissantes devant un petit groupe de bandes armées. Ça, ça nous étonne. Alors que si nous voyons la situation de l’Ukraine, il y a un pays qui l’a agressée, mais on met les moyens pour que l’ordre puisse revenir. Tandis que chez nous, la communauté internationale se déclare impuissante. Et là, pour nous, ça nous révolte.
RFI : Ça veut dire que le voyage du pape va permettre de mettre l’accent sur ce qui se passe dans le pays ?
Cardinal Fridolin Ambongo : Nous avons la certitude que le pape, rien que sa présence ici au Congo, cette visite permettra de mettre la situation au Congo au cœur de l’attention de la communauté internationale. Et le pape trouvera, nous l’espérons aussi, les mots justes pour parler de la situation du Congo, s’adresser aux dirigeants, ceux qui peuvent influer sur l’évolution de la situation au Congo, y compris ce qu’on appelle la communauté internationale.
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