
L’Allemagne et les États-Unis ont annoncé ce mercredi 25 janvier la livraison de chars d’assaut à Kiev pour permettre à l’armée ukrainienne de faire face à l’offensive militaire russe. Beaucoup de questions quant à leur nombre et à la logistique qu’ils impliquent restent en suspens.
Quels sont les pays qui ont annoncé livrer des chars lourds ?
Le premier à le faire a été le Royaume-Uni, mi-janvier, avec l’annonce de l’envoi de chars Challenger 2. Avant cela, les alliés européens de Kiev avaient déjà livré près de 300 chars soviétiques modernisés, mais jamais de chars lourds de facture occidentale. Le nombre de Challenger 2 envoyés à Kiev n’a pas été précisé, mais la presse britannique a parlé de douze chars : quatre dans l’immédiat, puis huit à court terme.
Ce mercredi, à l’issue d’un Conseil des ministres et alors que l’annonce était attendue depuis plusieurs jours, l’Allemagne a fait part de la prochaine livraison de 14 chars d’assaut Leopard 2A6 à l’Ukraine. Selon la presse d’outre-Rhin, le pays possèderait 312 exemplaires de ce char, dont une centaine en maintenance. Le modèle est équipé d’un canon plus long de 1,32 mètre que les précédentes versions. Il peut tirer des munitions plus puissantes et avec une précision améliorée.
Plus tard dans la journée, les États-Unis ont à leur tour affirmé qu’ils allaient livrer des chars d’assaut à Kiev, en l’occurrence des Abrams M1, ce qu’ils refusaient jusqu’à présent de faire, évoquant des problèmes de maintenance et de formation. La semaine dernière, le sous-secrétaire à la Défense pour la stratégie, Colin Kahl, avait souligné que le char Abrams était « un équipement très compliqué ». « Il est cher, il requiert une formation difficile, il a un moteur d’avion à réaction. Ce n’est pas le système le plus facile à entretenir », avait-il indiqué.
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La Pologne, équipée de chars Leopard 2A4, avait déjà dit le 10 janvier son intention de livrer 14 de ses exemplaires à Kiev. Mais il lui fallait le feu vert de Berlin. La Finlande, qui en possède plus de 200, selon l’Institut international pour les études stratégiques (IISS), est également prête à en doter l’armée ukrainienne. Les Pays-Bas eux aussi pourraient livrer 18 de ces mêmes chars 2A4, a indiqué le Premier ministre Mark Rutte dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung.
La Norvège a aussi fait part de son intention de contribuer à l’effort de guerre, avec une variante du Leopard 2 en service dans l’armée norvégienne. Le ministre Bjørn Arild Gram n’a cependant pas précisé le nombre de tanks concernés. Selon la presse allemande, une poignée d’autres pays européens et de l’Otan, non cités, seraient, eux aussi, disposés à participer à cet effort au sein d’une coalition d’opérateurs.
L’Espagne est à son tour entrée dans la brèche ouverte par l’Allemagne du chancelier Scholz. Sans préciser combien, le gouvernement de Pedro Sanchez a assuré que son pays enverrait des chars de combat Leopard. L’Espagne dispose de 168 chars de combat Leopard, dont une moitié à Saragosse, en Aragon, lesquels d’après la ministre de la Défense sont dans un état lamentable, précise notre correspondant à Madrid, François Musseau.
Pourquoi les chars Leopard sont-ils privilégiés ?
À moins de 50 véhicules, il est difficile d’en assurer l’entretien. Kiev l’a bien compris et c’est la raison pour laquelle ses forces réclament des Leopard, produits à plus de 2 000 exemplaires et facilement disponibles en Europe. Les forces ukrainiennes les veulent en grand nombre, jusqu’à 300 exemplaires rien que cette année, ce qui serait la seule solution pour assurer un soutien logistique efficace.
Conçu par le fabricant allemand Krauss-Maffei et construit en série à partir de la fin des années 1970 pour remplacer les chars américains M48 Patton puis le char Leopard 1, le Leopard 2 combine puissance de feu, mobilité et protection. Ce char de combat d’une soixantaine de tonnes, dont environ 3 500 exemplaires sont sortis des chaînes de production, est doté d’un canon lisse de calibre 120 mm permettant de combattre l’ennemi tout en se déplaçant, grâce à ses 1 500 chevaux, jusqu’à 70 km/h, avec une autonomie de 450 km. Il est en outre doté, selon le fabricant, d’une « protection passive intégrale » efficace contre les mines et lances-roquettes. Son équipage de quatre personnes bénéficie en outre d’outils technologiques permettant de localiser et cibler l’ennemi à longue distance.
Les chars feront une réelle différence sur le terrain, explique le général Jean-Paul Palomeros, ex-chef d’état-major de l’armée de l’air française et ex-commandant de l’Otan
Et la France ?
La France a fait partie des pays qui ont initié le mouvement en matière de livraison de blindés à l’Ukraine. Paris a notamment promis le 4 janvier la livraison de chars de combat légers AMX-10 RC, mais aucune décision n’a encore été prise concernant ses chars lourds Leclerc.
« Pour ce qui est des Leclerc, (…) rien n’est exclu et cela s’apprécie (…) collectivement et au regard de trois critères », a dit le président français, en jugeant qu’il fallait « que ce ne soit pas excalatoire » vis-à-vis de la Russie, « que cela puisse apporter un soutien réel et efficace à nos amis ukrainiens » et que cela n’affaiblisse pas les « capacités propres de défense » de la France.
Quelle logistique ?
Donner des chars de combat à l’Ukraine est une chose, les maintenir en condition opérationnelle en est une autre. Pour un tank au combat, rappellent les experts, il y en a un à l’entretien et un troisième souvent utilisé pour pièces. Mais avant de les utiliser, il faudra former les équipages et les mécaniciens et mettre sur pied les lignes logistiques pour les pièces et les obus. Les 14 chars Challenger promis par le Royaume-Uni n’utilisent pas par exemple les mêmes obus que les Leopard allemands.
La livraison de chars Abrams américain va rendre la manœuvre logistique plus difficile encore car « le M1 Abrams est un système d’arme complexe dont la maintenance est difficile », prévient le Pentagone. Il est surtout beaucoup plus lourd que les autres. Avec un poids de près de 70 tonnes, il n’est pas assuré qu’il puisse franchir tous les ponts.
Or, le temps presse. La fin de l’hiver et le début du printemps devraient être extrêmement difficiles, renchérit l’ancien commandant de l’Otan Jean-Paul Palomeros qui plaide également pour que les blindés soient opérationnels au plus vite. Il peut se passer beaucoup de choses en trois mois et il faudrait au moins une centaine de ces chars, estime le spécialiste. Le président ukrainien, conscient d’une course contre la montre, demande déjà de nouvelles armes, cette fois-ci des avions de combat et des missiles de longue portée.
(Avec AFP)