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La crise foudroyante qui frappe le Liban depuis trois ans force l’économie à se transformer. D’un pays de services touristiques et bancaires qui importe plus de 80% de ce qu’il consomme, le pays entame une transition forcée vers un début d’industrialisation dans des secteurs clés comme l’alimentation ou encore la production de médicaments.
Avec notre correspondante à Beyrouth, Sophie Guignon
Sur les hauteurs du sud de Beyrouth, la première usine de pâtes du Liban a ouvert ses portes il y a tout juste un an. Une cinquantaine d’employés y fabriquent chaque jour 4 000 paquets de spaghettis, tagliatelles ou encore lasagnes « Made in Lebanon ». À leur tête, Salah Malaeb, 60 ans, dirige l’entreprise baptisée Del Libano. « Toutes nos pâtes sont faites à partir de blé et d’eau. L’eau vient de la montagne libanaise et le blé est cultivé au Liban, dans la vallée de la Békaa. Vous voyez sa couleur dorée ? »
Malgré la crise, l’entrepreneur a investi 1,2 million d’euros pour développer un savoir-faire qui n’existait pas au Liban. « On s’est rendu compte qu’on exportait notre blé en Europe, pour la fabrication de pâtes, pour ensuite importer des pâtes au Liban, explique-t-il. On s’est dit pourquoi ne pas produire des pâtes pour notre consommation directement ici avec notre blé, notre eau et avec notre main d’œuvre. Ça contribue à notre sécurité alimentaire. On a choisi d’ouvrir ici, car c’est un choix de résistance, nous croyons en notre pays. »
En misant sur la fabrication locale, l’entreprise peut vendre ses pâtes moitié moins chères que ces concurrents étrangers. Et elle n’est pas la seule. Dans les supermarchés, on trouve désormais des produits d’hygiène, des boîtes de conserve ou des céréales estampillées « Made in Lebanon ».
Alors que les prix des produits alimentaires ont augmenté de 1 700% en trois ans, les clients, comme César Chahzayan, 68 ans, ont changé leurs habitudes de consommation. « Maintenant, j’achète surtout des produits de l’industrie locale. Les marques européennes coûtent trop cher. Je ne peux pas me le permettre. »
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Indépendance en médicaments
L’industrie libanaise s’adapte aussi à la crise dans le secteur pharmaceutique. Alors que la dépendance aux importations avait mené à des pénuries dramatiques de médicaments, aujourd’hui les génériques locaux alimentent 30% de la demande. Au nord de Beyrouth, Algorithm, l’un des trois plus gros laboratoires libanais, a même fait sortir de terre une usine flambant neuve. « On est en train de tester la quantité de la substance active qui donne l’effet du médicament chez le patient dans ces granules-là », commente Michelle Semaan, la directrice de production.
Médicaments contre l’hypertension, le cholestérol ou les maladies cardiovasculaires : l’entreprise produit une centaine de traitements. « C’est notre devoir et notre responsabilité en tant qu’industrie locale, de vraiment travailler jour et nuit pour délivrer les médicaments aux gens qui en ont besoin », affirme Michelle Semaan.
Ces initiatives trouvent toutefois leurs limites dans un pays où l’électricité est sporadique, où les banques en faillite n’accordent plus de prêts aux entreprises et où l’État ruiné n’a pas les moyens de soutenir l’industrie.
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