
Le plus grand festival francophone de cinéma en ligne s’ouvre ce vendredi 13 janvier sur MyFrenchFilmFestival.com et 70 plateformes partenaires dans le monde. Cet évènement original incluant 29 films sous-titrés en 12 langues est gratuitement mis à disposition pendant un mois sur les cinq continents, dont une offre gratuite en Afrique. Entretien avec Jules Marco, coordinateur de MyFrenchFilmFestival à Unifrance, et Léo Tisseau, chef de projet de la distribution numérique.
RFI : En 2020, MyFrenchFilmFestival a enregistré douze millions de visionnages dans 200 territoires. Après presque trois ans d’épidémie de Covid et un repli du public sur les plateformes, combien de visionnages attendez-vous pour cette édition 2023 ?
Jules Marco : Depuis 2019, MyFrenchFilmFestival dépasse chaque année les dix millions de visionnages de films. En 2021, nous avons même atteint les 13 millions, mais il y avait forcément un effet « pandémie ». Pour nous, une année réussie est une édition avec plus de dix millions de visionnages.
Vous proposez aux internautes 29 films, dont Nous d’Alice Diop, réalisatrice récemment couronnée par le Grand prix du Jury à la Mostra de Venise, mais aussi Entre les vagues de la jeune réalisatrice Anaïs Volpé, Les Magnétiques de Vincent Maël Cardona, sélectionné à la Quinzaine du Festival de Cannes, Le Monde après nous de Louda Ben Salah-Cazanas, sélectionné à la Berlinale. Au-delà du fait qu’il y a pour la première fois une majorité de réalisatrices, est-ce que le succès en salles est un critère de sélection pour la compétition en ligne de MyFrenchFilmFestival ?
Jules Marco : Non, les critères de sélection sont vraiment des critères de disponibilité, parce qu’on fait chaque année un appel à films. On nous soumet beaucoup de films. Nous avons des critères artistiques, mais aussi des critères de représentations des ayants droit et des critères de disponibilités dans les plus de territoires. Par exemple, un film déjà vendu dans une trentaine de territoires, si on le sélectionne, cela veut dire que, pendant le festival, il ne sera pas disponible dans ces territoires. Mais les succès publics et critiques sont également des critères. Nous cherchons un grand public, mais nous voulons aussi des films dotés d’une qualité artistique évidente.
Le sous-titrage des films en de très nombreuses langues est l’un des points forts de votre Festival. Cette année, vous avez rajouté aux langues existantes l’arabe, l’ukrainien et surtout le mandarin, la langue officielle en Chine. Quelles sont vos attentes par rapport à cette offre linguistique en mandarin qui concerne pratiquement un milliard de personnes ?
Jules Marco : Le festival n’est pas disponible en Chine. La diffusion du cinéma en Chine est régie par un protectionnisme et il y a très peu de films étrangers qui entrent en Chine. Nous avons traduit les films du festival en mandarin, parce que nous avons trois plateformes partenaires à Taiwan. C’est quelque chose d’assez récent et qui fonctionne très bien.
Le choix d’un sous-titrage en ukrainien pour cette édition 2023, est-ce un choix politique ?
Jules Marco : Évidemment. Comme disaient Serge Toubiana et Daniela Elstner, le président et la directrice générale d’Unifrance dans leur éditorial : « Pour la première fois l’ukrainien – afin de soutenir le peuple d’Ukraine si durement éprouvé ». Oui, c’est un choix politique.
Les courts métrages sont proposés partout gratuitement, les longs métrages à 1,99 euro, avec des exceptions notables dans plusieurs régions du monde. Par exemple, le festival est complètement gratuit en Amérique latine, en Asie du Sud-Est, en Russie, et aussi en Afrique. Dans quels pays africains se trouvent habituellement le plus de spectateurs de votre festival ?
Jules Marco : Le festival fonctionne très bien en Algérie. En 2022, le pays était en tête avec 510 000 vues. Après, il y avait le Maroc avec 170 000 vues, la Libye avec 140 000 vues, l’Égypte avec 120 000 vues, l’Éthiopie avec 110 000 et la Somalie également avec 110 000 vues, sans oublier la Tunisie et la Côte d’Ivoire avec 100 000 vues. L’Afrique et le Moyen-Orient représentent 2,2 millions de vues.
MyFrenchFilmFestival met aussi en place des projections publiques. Sur le continent africain, il y a des projections prévues en Afrique du Sud, au Burundi, au Kenya et au Maroc. S’agit-il d’une sorte de mini-festivals sur grand écran organisés en salles ? Des projections uniques en plein air ?
Jules Marco : Cela dépend de l’Institut français ou de l’Alliance française dans ces pays. Il y a des pays dans lesquels il y a une ou deux projections, d’autres pays programment pratiquement l’intégralité du festival entre janvier et février. Le réseau de l’Institut français dispose de tous les droits d’exploitation pendant le temps du festival.
Selon les chiffres publiés par le CNC, le cinéma français résiste mieux que les autres cinémas en Europe voire dans le monde. Est-ce aussi le cas pour la diffusion numérique des films français de cinéma ?
Léo Tisseau : Oui, effectivement, les films français sont très présents sur les plateformes. Nous avons publié en octobre dernier une étude qui démontre que le cinéma français est la première cinématographie européenne disponible sur les plateformes. Elle est aussi la première cinématographie non anglophone. En termes de présence, le cinéma français est très fort, y compris sur les plateformes de vidéo à la demande. En termes de consommation, c’est plus compliqué à dire puisque les plateformes ne partagent pas leurs données de visionnages, contrairement aux salles de cinéma qui communiquent les entrées en salles. L’un des moyens de connaître la performance des films français pourrait être, par exemple, les chiffres publiés par Netflix. La plateforme publie toutes les semaines un top 10 de films les plus vus sur Netflix. Notre dernière étude, réalisée au second semestre 2021, montre que les films français étaient les premiers films non anglophones les plus consommés sur Netflix.
Quel serait pour vous le plus grand succès de l’édition 2023 de MyFrenchFilmFestival ?
Jules Marco : Le plus beau succès serait que le public s’empare de cette programmation, en parle, partage sur les réseaux sociaux. Le festival est vraiment fait pour le public. Nous recevons régulièrement des messages de professeurs qui créent des dossiers pédagogiques autour de MyFrenchFilmFestival. Ils nous montrent ce qu’ils font avec leurs étudiants. C’est la base de travail avec leurs étudiants qui entrent souvent la première fois dans leur vie en contact avec le cinéma français. Pour nous, c’est ça la plus grande réussite : rajeunir les publics des cinéphiles francophiles et maintenir le lien entre le public et le cinéma français.
► MyFrenchFilmFestival, du 13 janvier au 13 février 2023, dans le monde entier. Le jury international de la compétition est composé de cinq membres : Emily Atef (France/Iran), Chie Hayakawa (Japon), Juho Kuosmanen (Finlande), Sergei Loznitsa (Ukraine), Albert Serra (Espagne).