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Troisième volet de notre série consacrée aux jeunes filles de Chibok, ces 276 lycéennes kidnappées en 2014 par Boko Haram au Nigeria. 108 sont toujours portées disparues. Certaines seraient mortes et d’autres auraient été mariées de forces aux jihadistes. Rencontre avec Ladi Lawan, très active dans le soutien moral des parents des Chibok Girls. Elle-même est privée de sa fille Aisha depuis avril 2014.
Avec notre correspondant de retour de Lagos,
Avec délicatesse, Ladi Lawan sort de son sac à main un cliché imprimé en format portrait. Avec le temps, la photo a pris une teinte rosée. Sur ce cliché, sa fille Aisha se tient debout, la main gauche posée sur la hanche, le regard fixant l’objectif. « J’ai des palpitations cardiaques, confie la mère d’Aisha. J’ai le cœur serré à force d’attendre la libération de ma fille. Ça va faire huit ans cette année que je n’ai pas vu ma fille. »
Une trentaine de parents dont les filles ont été enlevées sont morts depuis avril 2014. Principalement d’hypertension, d’anxiété et de stress générés par le non-retour de leurs enfants. Quelques-uns ont été victimes d’attaques de Boko Haram. Malgré ses souffrances, Ladi caresse toujours l’espoir de revoir un jour sa fille, mais aussi les autres jeunes femmes encore en captivité. « La rumeur dit que nos filles seraient mariées de force dans la forêt de Sambisa, relate-t-elle. Certaines auraient eu des enfants issus de ces unions. Moi, j’aime les enfants. Donc même s’il y a dix enfants de pères membres de Boko Haram, je n’aurais jamais peur de porter ces enfants de nos filles. Même une dizaine d’enfants, pas de problème. Qu’on leur rende leur liberté afin que nos filles puissent reprendre leurs études. »
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« Je veux que le gouvernement fédéral fasse encore plus d’efforts »
Yakubu Nkeki préside l’association des parents des lycéennes enlevées. Malgré des relations parfois orageuses, ce quinquagénaire est le référent auprès des autorités fédérales. En juillet puis en octobre dernier, Yakubu a, comme à chaque fois, certifié l’origine des cinq rescapées de la forêt de Sambisa, suite à des raids libérateurs de l’armée nigériane, appuyée par la Force multinationale conjointe.
Si Yakubu reconnaît les efforts d’Abuja pour libérer les dernières captives, il trouve que huit années de captivité, c’est trop long à supporter :
En tant que leader de ces parents, je ne peux pas me contenter du nombre raisonnable de Chibok Girls déjà libérées. Je veux vraiment que le gouvernement fédéral fasse encore plus d’efforts. C’est le seul moyen de sauver nos filles toujours en captivité.
Les cinq Chibok Girls libérées récemment sont toujours entre les mains de l’armée et des services secrets nigérians. Une étape obligatoire pour les autorités nigérianes avant qu’elles reprennent leur place dans la société.
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