
Il a 22 ans, il s’appelle Mickaël Sallent, il se passionne pour l’Afrique et il vient de passer l’un des plus beaux étés de sa vie. En juillet dernier, l’Institut français de géopolitique (IFG) l’a couronné d’une mention « Très bien » pour son mémoire de Master I ! Le sujet : la « Chine au Togo ». Une enquête sur le développement des routes, du port ou encore des ponts dans ce pays africain. Mickaël Sallent au micro de Marina Mielczarek.
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RFI : Juste une anecdote, mais qui veut dire beaucoup sur la transformation de la société au Togo. Lors de votre arrivée au Togo, les gens vous ont pris pour un Chinois …
Oui, ça m’a frappé puisque je n’ai aucun parent ni chinois ni asiatique ! Je suis français avec un physique d’étudiant occidental. Mais cela veut beaucoup dire. Et je le relie à mon mémoire qui parle de l’effacement de la présence française au Togo. J’y ai rencontré plus de Chinois que de Français, notamment des ouvriers de chantiers.
Votre mémoire porte sur les transports construits par la Chine au Togo. Et cela commence par des ponts, pourquoi ?
Parce qu’en 2007 et 2008, le Togo a connu d’énormes inondations avec des effondrements de terrains. Les ponts routiers se sont écroulés. Et la Chine à ce moment-là a été le seul pays volontaire pour financer de nouveaux ponts.
Donc, pour les Togolais, les Chinois sont des sauveurs ?
Totalement ! En deux ou trois ans, ils ont reconstruit les ponts. Et c’est vrai que sur le terrain, moi, on me montrait ces ponts avec fierté.
La Chine est d’ailleurs experte en matière de ponts.
Oui, une expertise qu’ils exportent en Afrique, notamment au Togo, un pays qui avait besoin de reconstruire la nationale 1, la route qui va de la capitale, Lomé, en direction des pays voisins, spécialement au nord vers le Burkina Faso.
Il y a évidemment le port de Lomé, avec un rôle crucial des routes qui le relient aux pays voisins.
Oui ! Le port de Lomé est détenu à 50% par les Chinois. Cet accès du port de Lomé à la mer permet l’exportation des marchandises. Ensuite, via les routes qui contournent le centre-ville de Lomé, les camions peuvent rejoindre les pays voisins tels que le Burkina, le Niger, le Nigeria…
Pour illustrer votre mémoire, vous aimez citer un proverbe togolais !
Ce proverbe dit : « La route du développement passe par le développement de la route » ! Les Togolais savent que les infrastructures permettent le développement de leur économie.
Aujourd’hui, vous dîtes que le Togo repose sur les épaules de la Chine.
Oui, parce que la Chine a investi dans tous les secteurs des transports au Togo.
Contrairement à la France, qui a pourtant un lien historique, puisque le Togo a été sous mandat français de 1919 à 1941. Cette présence chinoise n’est pas remise en question ?
Dans mon mémoire, j’explique mon enquête à l’aide d’entretiens avec les partis de l’opposition politique. Jamais ils ne vont critiquer la présence chinoise. Ils savent que leur pays dépend des investissements chinois.
Mais partout ailleurs en Afrique, où la Chine a investi, on voit certains pays (Zambie, Éthiopie, Djibouti, Angola) demander du temps supplémentaire pour pouvoir rembourser leurs dettes vis-à-vis de la Chine.
La Chine vient d’effacer une partie de la dette au Togo. Mais dans le pays, elle reste un partenaire fort. Tous les grands chantiers sont détenus par les Chinois.
Avec des prix défiants toute concurrence internationale, notamment française.
Leurs offres sont de deux à trois fois moins chères que les pays européens.
Un autre élément très intéressant dans votre mémoire, c’est cette posture chinoise qui ne pose aucune question politique, contrairement parfois aux remontrances des pays occidentaux.
J’ai souvent entendu parler du mot « arrogance », sous-entendu : les pays donneurs de leçons !
Vous l’avez constaté sur place. Ce décalage se traduit aussi par les prix compétitifs des travaux chinois, mais pour des conditions de travail qui seraient interdites en Europe.
Sur les chantiers, le directeur est toujours chinois. Mais pour la construction, j’ai vu énormément d’ouvriers togolais. Ils s’ajoutent à cette main d’œuvre chinoise, des ouvriers chinois présents au Togo. Avec, c’est vrai, ce sont des conditions de travail très dures. J’ai eu le témoignage d’ouvriers qui m’ont expliqué qu’ils devaient acheter eux-mêmes leur équipement. S’ils veulent un casque ou des gants de protection, ils doivent se les acheter.
Les ouvriers togolais comme chinois sont sous-payés, par rapport aux normes européennes.
De notre point de vue d’Européen, oui, on peut le dire, puisqu’ils gagnent un euro par jour.
Avez-vous senti des envies de faire grève ou de manifester pour contrer ces conditions de travail ?
Non ! Les Togolais savent bien que s’ils refusent de travailler, d’autres prendront leur place… Donc ils continuent, ils le font parce qu’ils ont une famille à nourrir et qu’il leur faut de l’argent.
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