
Publié le : 15/09/2022 – 00:43
Le 9 septembre, le gouvernement congolais a adopté un projet de loi, renvoyé au Parlement, sur la réparation et la protection des victimes de violences sexuelles. Début septembre, l’Ouganda a versé 65 millions de dollars à la RDC, la première tranche de son amende fixée par la Cour pénale internationale pour ses crimes commis sur le sol congolais entre 1998 et 2003. Deux avancées pour les innombrables victimes des guerres en RDC. Mais dans l’est du pays, l’immense majorité d’entre elles réclament toujours justice et réparation.
Publicité
De notre envoyée spéciale à Goma,
Jocelyne, dont le prénom a été modifié pour des raisons d’anonymat, n’a quitté Goma qu’une seule fois. C’était il y a 26 ans, lorsque des hommes armés ont envahi sa ville natale. Fin 1996, plusieurs mouvements rebelles congolais regroupés dans l’Alliance des forces démocratiques pour la libération (AFDL), épaulée par l’armée rwandaise, frappent aux environs de Goma.
Apeurés, d’innombrables civils prennent la route. Avec sa mère et sa sœur jumelle, Jocelyne fuit à la nuit tombée dans un bus. « C’est au matin qu’on nous a fait sortir du véhicule et ils ont commencé à tuer les gens avec des machettes, des couteaux, des haches. Ma maman nous a demandé de prendre la fuite dans la forêt qui était à côté », se souvient-elle.
Sa sœur est portée disparue et Jocelyne sera évacuée quelques jours plus tard plusieurs balles dans le pied. Depuis, ses blessures physiques sont guéries, mais les souvenirs sont encore lourds. « J’ai beaucoup de traumatismes, car j’entends encore les balles, je ressens la douleur que j’ai subie, et les traumatismes reviennent, car je revois comment on tuait les gens. Ça me trouble et ça revient », dit Jocelyne.
Le retour de la peur
Alors quand les combats ont repris entre l’armée congolaise et le groupe rebelle M23 dans le Nord-Kivu fin mars, la peur s’est réinstallée dans le quotidien des victimes des guerres du Congo, comme l’explique Philémon Lukombola : « C’est presque les mêmes stratégies utilisées. C’est au même endroit, à la même frontière que les affrontements commencent, au risque de vivre le même cauchemar. »
Avec Jocelyne et plusieurs autres rescapés, il a monté une association devenu lieu de parole. « Suite aux guerres à répétition, nous avons déjà rencontré des victimes qui ont survécu, des familles, des victimes qui ne parlaient pas à cause des traumatismes de la guerre », poursuit Philémon Lukombola. « Alors, on a essayé de réfléchir ensemble, nous avons mis un cadre de réflexion. Il en est sorti une association qui s’appelle “Sauvez des vies en désastre”. »
Comme dans de nombreuses associations congolaises de victimes, aucun membre de Sauvez des vies en désastre n’a reçu à ce jour de réparations, ou vu son dossier aboutir en justice.