

Voici un an, c’était le début de la saison de la Ligue de 1 de football qui avait été marqué par des scènes de violences. C’était à Nice : jet de bouteille sur un joueur de l’Olympique de Marseille, envahissement du terrain par des supporteurs niçois, bagarres entre fans, joueurs et membres de l’encadrement des deux équipes…
Jeudi 8 septembre, c’est à nouveau Nice qui a été le théâtre de violences. Avec pour cadre, cette fois-ci, la rencontre entre le club local et Cologne, affiche de la première journée de la Ligue Europa conférence, la plus petite des coupes d’Europe de football.
Prévu à 18 h 45, le coup d’envoi de cette confrontation (qui s’est finalement clos sur un score nul de 1-1), n’a été donné qu’à 19 h 40, après des affrontements en tribunes entre supporteurs. Ces violences ont fait 32 blessés, dont l’un a fait une chute de cinq mètres dans les tribunes et a été hospitalisé en état d’« urgence absolue », a-t-on appris auprès de la préfecture.
Le supporteur grièvement blessé, qui souffre « d’un traumatisme crânien et thoracique » n’est pas un Allemand, mais « un supporteur parisien », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) le directeur de cabinet du préfet des Alpes-Maritimes. « C’est un Français, un supporteur parisien qui était dans les rangs allemands », a expliqué Benoît Huber, soulignant que les supporteurs de la tribune Auteuil au Parc des Princes à Paris « ont des liens avec les ultras de Cologne ».
Christian Estrosi dénonce une violence inouïe
Contacté par Le Monde après la fin du match, le maire de Nice, Christian Estrosi, a dénoncé « une violence inouïe, un comportement d’une barbarie énorme ». « Je n’ai pas financé un stade pour avoir à supporter ça dans ma ville », a-t-il déclaré. Jeudi soir, l’édile en appelait à la responsabilité des instances gouvernementales et européennes afin « d’organiser le foot dans notre pays pour éviter que les maires ne soient confrontés à cette situation ». Parmi les leviers qu’il aimerait pouvoir actionner, « la reconnaissance faciale devant les stades » et « l’interdiction, au niveau européen, de déplacement de supporteurs fichés lors des matchs ».
Christian Estrosi affirme avoir alerté le ministère de l’intérieur « dès l’après-midi », quand des supporteurs alcoolisés ont « pris possession de la ville ». « Je sentais que les choses allaient mal tourner », assure-t-il.
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La journée avait pourtant démarré dans la ferveur. Celle des fans du club allemand du FC Cologne, venus en masse pour supporter leur équipe. Mais la fête a rapidement été gâchée. « Le centre de Nice était rempli de supporteurs avec des canettes de bière à la main », raconte Hannah, une jeune Niçoise. « Sur l’avenue Jean-Médecin, certains hurlaient et jetaient leurs canettes vides ou de la bière sur des personnes noires… Vu comme ils étaient alcoolisés, je me suis demandé comment le match aller pouvoir se tenir le soir », dit-elle.
La boutique officielle de l’OGC Nice vandalisée
De fait, sur la promenade des Anglais et sur la place Masséna, la marée rouge a laissé rapidement place à une vague de dégradations puis de violences. Des CRS ont dû intervenir. Puis des supporteurs ont jonché la place Masséna de cadavres de bière, colorant sa statue en rouge avec les fumigènes.
La mairie de Nice a précisé que le mémorial des victimes du 14 juillet 2016 avait été recouvert par des autocollants du club allemand avant que des passants n’interviennent pour le nettoyer eux-mêmes. Les tramways qui permettent de se rendre du centre-ville au stade ont été tagués, obligeant la municipalité « à mobiliser des agents partout et toute la journée pour faire le ménage après eux ». Elle promet d’ailleurs d’« envoyer [au club allemand] la facture » des dégradations, qu’elle estime à 25 000 euros dans la ville et 10 000 euros sur les tramways.
Certains individus ont aussi vandalisé la boutique officielle du club niçois. Entrée forcée, tags, détritus sur la voie publique, tout y est passé. « Il y a eu des velléités d’affrontement de la part des supporteurs allemands à l’extérieur du stade », a confirmé à l’AFP le directeur de cabinet du préfet, Benoît Huber.
Le parcage visiteurs réservé à Cologne forcé
Ces scènes ont constitué le début d’une escalade qui s’est poursuivie dans l’écrin de l’Allianz Riviera une heure avant le coup d’envoi théorique de la rencontre. Le parcage visiteurs réservé à Cologne a été forcé et plusieurs centaines de supporteurs cagoulés aux couleurs du club allemand ont envahi la tribune présidentielle pour aller en découdre avec les supporteurs niçois, installés eux en tribune populaire sud. Selon la préfecture, « ce sont les Allemands qui ont chargé ». Les supporteurs en sont venus aux mains, parfois armés de chaises ou de barres de fer arrachées dans le stade
Le speaker du stade a, dans un premier temps, annoncé un report provisoire. « Une réunion de crise est en cours », a-t-il expliqué. Les portes du stade ont été « momentanément fermées, le temps que le calme revienne » après l’intervention des forces de l’ordre, a expliqué la préfecture. Lors de cette réunion de crise entre des représentants de l’UEFA, le préfet des Alpes-Maritimes, le procureur de la République et le maire de Nice, il a été conjointement décidé de reporter le coup d’envoi. Une fois le match terminé, les autorités restaient tendues face aux vagues de supporteurs revenant du stade vers la ville.
« Il faut qu’on trouve les solutions pour traverser ça »
Le parquet de Nice a annoncé « qu’il y aura des enquêtes ouvertes », mais aucune interpellation n’avait pu encore être faite face au « fouillis » de la soirée.
La ministre des sports, Amélie Oudéa-Castéra, a déploré que « notre sport soit sali », jeudi soir, lors d’un événement avec des sponsors organisé à Paris par l’association Sporsora. « Il y en a marre, il y en a vraiment marre que notre sport soit sali de cette façon, qu’on ne puisse plus se dire qu’on va avec ses gamins de manière sereine et sécurisante dans un stade », a regretté la ministre. « Il faut vraiment qu’on trouve tous ensemble les solutions pour traverser ça, qu’on fasse en sorte cette violence qui pénètre de plus en plus dans notre société s’arrête au moins à la porte de nos stades », a-t-elle ajouté.
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A la suite des incidents survenus lors du match Nice-Marseille, le 22 août 2021, puis de violences du même ordre (jets de bouteilles) trois mois plus tard sur la pelouse de l’Olympique lyonnais lors d’un match contre Marseille, des mesures avaient été prises à la demande du gouvernement afin d’endiguer les violences dans les stades ; l’entrée avec des bouteilles et autres contenants a été interdite. Pour les matchs jugés à risque, la systématisation des filets antiprojections et anti-intrusions a été actée.
Sofia Fischer et Walid Kachour (avec AFP)