
Les nouvelles technologies numériques peuvent-elles venir au secours de l’hôpital public ? Peut-être que dans un autre contexte, ou sous une autre plume, on serait passé plus vite sur ce livre de rentrée, en le réduisant – à tort – à un plaidoyer pour la télémédecine.
Mais l’auteur, Philippe Ravaud, a une expertise à faire valoir : épidémiologiste et rhumatologue, professeur à l’université Paris-Cité, à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris ainsi qu’à la Mailman School of Public Health de Columbia (New York), il est aussi directeur du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Inserm, Paris-Cité) et directeur scientifique du partenariat public-privé en santé numérique de l’Hôtel-Dieu. Voilà pour le CV. Quant au contexte, la crise que traverse le système hospitalier – crise que le Covid-19 n’a fait qu’amplifier et qui s’est cristallisée, cet été, sur les services d’urgence – est déjà presque une justification en soi.
Pour trouver une issue à cette crise, et mettre un terme à trente ans de paupérisation de l’hôpital public, Philippe Ravaud défend un « grand bouleversement » adossé aux outils numériques et à l’intelligence artificielle. Mais qu’on ne s’y méprenne pas : dans cette révolution à venir, la technologie n’est qu’un moyen, pas une fin en soi. Un moyen d’améliorer le diagnostic et les soins, explique-t-il, mais aussi de résoudre les inégalités et la désertification médicale, de pallier la pénurie de personnels, de développer la prévention ou encore de renforcer, paradoxalement, le lien soignant-patient : l’argumentaire est étayé, nourri d’études scientifiques et d’exemples concrets, en France comme à l’étranger.
Renflouer les caisses
Le néophyte y plonge comme dans un roman d’aventures, voire d’anticipation. Reste à savoir ce que penseront des lecteurs plus avertis, à commencer par les soignants, des « plates-formes régionales de suivi à distance » que l’auteur verrait s’édifier dans le cadre de partenariats public-privé, ou de la « valorisation » des données numériques personnelles qui, en étant vendues, cédées ou utilisées autrement, pourraient constituer des « revenus non conventionnels » en complément de financements plus classiques. Et ainsi renflouer les caisses de l’hôpital public.
« Les obstacles culturels et systémiques sont multiples, écrit Philippe Ravaud, mais il ne fait guère de doute que cette révolution numérique aura lieu. » A l’appui de sa démonstration, il rappelle le « rôle d’accélérateur » qu’a joué le Covid-19, en France et ailleurs : des plates-formes « conçues à partir de rien en quelques jours », et permettant de suivre à distance les malades, ont pu éviter d’innombrables hospitalisations. « Tout était redevenu possible », rappelle l’épidémiologiste, y compris la remise à plat de modes d’organisation qui semblaient figés.
Il vous reste 12.27% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.